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Ashley March – Comment conquérir son épouse

Elle était exquise. La tentation incarnée. Un péché que l’on aurait volontiers commis sans jamais s’en repentir. Son rire cristallin évoquait le chant d’une sirène. Comme envoûté, il se pencha sur la banquette jusqu’à ce que son nez vienne s’écraser contre la vitre de la voiture. Elle avait une démarche chaloupée. Oh, rien à voir avec celle d’une lady! Ses moindres mouvements étaient calculés pour attirer les regards masculins sur les courbes voluptueuses de son corps – l’ondulation des hanches, la cambrure des reins, sans oublier la légère inclination de la tête. La lune lui caressa un instant le visage avant qu’elle s’engouffre dans la salle de jeux. Elle était belle à couper le souffle. C’était une sublime catin. Cela faisait six mois qu’il la courtisait, l’emmenait au théâtre et à l’opéra dans l’espoir de la séduire. Entretemps, il avait fermé les yeux sur tous les autres hommes. Car, bientôt, ce serait avec lui et personne d’autre qu’elle finirait la nuit. Il avait été d’une patience d’ange. Ce soir, par exemple, il l’avait filée à travers tout Londres, d’un événement mondain à l’autre. Elle entrait avec un homme, ressortait au bras d’un autre… Oui, il avait souffert ses caprices en silence. Mais sa patience avait des limites. Philip scruta l’entrée du bâtiment, le cœur battant. Il ouvrit la portière et descendit de voiture. À peine eut-il pénétré dans la maison de jeux qu’il l’aperçut, perchée sur les genoux d’un gros plein de soupe qui en profitait pour plonger le nez dans son décolleté pigeonnant. Une main légère posée sur sa nuque, elle lançait les dés sur le tapis de table de l’autre. Philip se dirigea vers eux d’un pas résolu tout en défaisant son impeccable nœud de cravate. L’étoffe coula sans peine entre ses doigts. Puis il tira dessus et la garda à la main. — Gentlemen! Un silence embarrassé tomba dans la salle.


Certains sursautèrent, leur chaise raclant le plancher, le regard naviguant de la femme à Philip. Il avait trop longtemps donné l’impression de se ficher des lieux et des gens qu’elle fréquentait, particulièrement les hommes. Mais la comédie avait assez duré. Cette femme avait beau avoir un cortège d’amants à ses pieds, elle serait bientôt à lui et à lui seul. Et pour faire passer le message, il était prêt à tout – y compris causer un scandale. L’homme qui l’avait sur ses genoux détourna les yeux, hésitant de toute évidence à renoncer à sa proie. Comment le lui reprocher? Comme lui, Philip aurait eu du mal à s’en séparer. — Vous, là! l’apostropha ce dernier. Comment vous appelez-vous? L’homme afficha une expression incrédule. — Lord D… Denby, milord. — Denby. Cher ami, il me semble que vous avez en votre possession quelque chose qui m’appartient. Une goutte de sueur perla sur le front de Denby. — Je… je vous demande pardon? La femme, qui s’était jusque-là contentée d’assister à la scène avec un sourire en coin, foudroya Philip du regard tout en agrippant plus fermement le cou du gros homme. — Il parle de moi, Denby, dit-elle. — Oh! L’homme tressaillit. D’une main fébrile, il attrapa la femme par le bras et tenta de l’éloigner de lui. — Elle refuse de me lâcher, milord, geignit-il. Charlotte leva les yeux au plafond. — Espèce de lâche! pesta-t-elle. Le menton haut, elle glissa de ses genoux et se leva avec grâce. Puis elle planta ses yeux saphir dans ceux de Philip, comme pour le braver. Mais lorsqu’elle voulut s’en aller, il la retint par le coude. Le silence autour se fit pesant. Une centaine de paires d’yeux au bas mot se braquèrent sur Philip.

Voilà qui ferait la une des journaux à sensation dès le lendemain! De quoi alimenter les bavardages. Tant pis, il était trop tard pour faire machine arrière. Le mal était fait. Il décocha un sourire à la jeune femme, et nota avec satisfaction qu’elle n’était pas aussi insensible à son charme qu’elle aurait aimé le lui faire croire. — Lord Denby? fit-il sans la quitter des yeux. — Milord? Philip lui flanqua la jeune femme dans les bras. — Je vous confie madame. Soyez gentil, tenez-la-moi un instant. Et surtout, veillez à ce qu’elle ne vous file pas entre les doigts! Denby obtempéra, posant ses grosses pattes pleines de bagues sur les épaules de la Charlotte. — Mais enfin, vous avez perdu l’esprit? s’insurgea-t-elle en se débattant, le regard flamboyant. Ignorant ses récriminations, Philip lui attrapa les poignets et noua la cravate autour. Puis il tira dessus d’un coup sec pour tester la résistance du nœud. Parfait. — Merci, lord Denby. Vous pouvez la lâcher à présent. — À quoi rime votre petit numéro, Philip? C’est tout à fait grotesque. J’exige que vous me détachiez sur-le-champ! Voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas prononcé son prénom. C’était bon de l’entendre, même si, dans sa bouche, le mot résonnait plutôt comme une insulte. Philip lui empoigna le bras tout en balayant la salle du regard. L’ensemble de la clientèle, femmes de mauvaise vie et vauriens pour la plupart, l’observaient, bouche bée. Il les salua d’un signe de tête. Sa captive tenta de lui échapper. Sans succès car il la tenait d’une poigne de fer. Jamais plus il ne la laisserait partir. — Lâchez-moi, espèce de mufle, siffla-t-elle.

Il lui plaqua la main sur la bouche. Puis, secouant la tête d’un air réprobateur, il extirpa un mouchoir de sa poche. — J’aurais préféré ne pas en arriver là, mais vous ne me laissez guère le choix, très chère. À cet instant, elle voulut lui planter les dents dans la paume. Il retira sa main de justesse. Elle l’aurait sans doute mordu jusqu’au sang, la diablesse! Elle était en rage et l’abreuva d’un flot d’injures. Imperturbable, Philip la bâillonna, ses doigts s’attardant sur son chignon sur lequel la lumière tamisée accrochait de subtils reflets. Un torrent de souvenirs le submergea. Les souvenirs d’une époque où il était encore libre de glisser les mains dans cette crinière souple, une époque où elle accueillait ses caresses avec avidité… Perdu dans ses pensées, Philip n’anticipa pas le coup de pied qu’elle lui expédia dans le tibia. En réponse, il la plaqua dos contre lui, et noua les mains sous le délicieux renflement de sa poitrine. Mais lorsqu’il fit mine d’avancer, elle se laissa aller contre lui de tout son poids dans ses bras, bien résolue à lui mettre des bâtons dans les roues. À bout de patience, il la traîna de force vers la sortie. Elle se débattit comme une damnée. Entre-temps, les clients s’étaient remis de leur stupeur, et les conversations reprirent progressivement. Philip avait presque atteint la porte lorsque Charlotte lui planta le coude dans les côtes. Réprimant un grognement de douleur, il la jeta en travers de son épaule comme un vulgaire paquet et franchit le seuil de la salle. À ce stade, le bâillon s’était détendu et les jurons avaient repris de plus belle. Philip continua sur sa lancée sans y prêter attention, plus déterminé que jamais. Elle eut beau lui labourer le dos de coups de poing, il ne s’arrêta qu’une fois parvenu devant l’attelage. Un valet lui ouvrit la portière. — Nous y voilà! annonça Philip en la déposant sur la banquette. — Soyez maudit, grommela-t-elle. Il s’engouffra dans la voiture après elle en veillant à ne pas se prendre les pieds dans ses jupes, puis il se pencha pour l’aider à s’asseoir. La portière se referma derrière lui et une secousse agita la cabine: le cocher et le valet venaient de prendre place à l’avant du véhicule. Le fouet claqua dans la nuit, et la voiture s’ébranla.

Alors seulement Philip s’autorisa un petit soupir victorieux. Il l’avait fait. Il avait enlevé son épouse!

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